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Procès du Mediator : La mémoire défaillante d’une lobbyiste

Procès du Mediator, la mémoire défaillante d’une lobbyiste

Procès du Mediator, la mémoire défaillante d’une lobbyiste

Dans le procès Mediator, le tribunal a commencé à examiner les manœuvres des laboratoires Servier pour protéger leur produit quand, au début des années 2000, le vent a commencé à tourner.

Procès du Mediator La mémoire défaillante d’une lobbyiste

 Le procès Mediator (benfluorex) est entré dans une nouvelle phase, avec l’examen des stratégies de pression des laboratoires Servier pour maintenir sur le marché son médicament en dépit des alertes de plus en plus pressantes. Malgré les pertes de mémoire de l’intéressée, l’audition de Madeleine Dubois, chargée de communication du groupe entre 1997 et 2013, a soulevé un coin du voile sur les pratiques d’une époque pas si lointaine. Elle était entendue comme témoin.

En 2007, le Mediator est sur la sellette : la Commission nationale de pharmacovigilance (CNPV) de l’agence du médicament (Afssaps à l’époque, ANSM aujourd’hui) remet en cause sa sécurité d’utilisation, et demande à la Commission d’autorisation de mise sur le marché (CAMM) de se prononcer. Madeleine Dubois, chargée de la communication du groupe, fait jouer ses relations. Elle ne s’embarrasse pas d’intermédiaires, écrit directement à Jean Marimbert, le directeur général de l’agence, qu’elle a côtoyé entre 1995 et 1997, quand il était au ministère du Travail. Elle-même était alors au ministère du Travail, rattachée au ministre, Jacques Barrot, qu’elle connaît de longue date. Sa requête est sans complexe. « Vous demandez à Jean Marimbert une solution pour le Mediator. Vous lui dites : « Ce qui nous inquiète, c’est le risque d’une médiatisation du compte-rendu de la CNPV indépendamment de celui de la CAMM » », relève Sylvie Daunis, la présidente du tribunal. Si elle convient qu’il s’agit bien d’un mail envoyé de son adresse, Madeleine Dubois n’en dira pas plus : « Je ne me souviens pas de ce courriel, affirme-t-elle à la barre. À en juger par le libellé, je l’ai rédigé à la demande de quelqu’un d’autre, je ne reconnais pas mon style. » Son intervention porte ses fruits. Lors de son audition le 25 novembre dernier, Jean Marimbert a reconnu que la demande de Servier de diffuser le compte-rendu de la CNPV accompagné de celui de la CAMM, plus favorable puisqu’elle décide finalement de conserver l’indication du Mediator dans le diabète, avait été satisfaite.

Madeleine Dubois n’a pas plus de souvenir d’un nouveau mail, envoyé en 2009 à Jean Marimbert, juste avant l’éviction du marché du Mediator. « Vous suggérez, plutôt que le retrait, une restriction de prescription et une mention des effets indésirables », rapporte la présidente. « Je ne l’ai pas fait de ma propre initiative, j’ai fait ce qu’on m’a dit de faire, mais je ne me souviens de rien. Je n’aurais pas dû le faire, c’est certain », se contente-t-elle de déclarer.

Un peu plus tard, procureures et avocats des parties civiles tenteront de rafraîchir le souvenir de ses contacts avec des hommes politiques, dont les traces ont été retrouvées lors des perquisitions chez Servier. C’est le début des années 2000, période où les déremboursements de médicaments commencent. Le Mediator est sur la liste, en raison de sa faible efficacité. « On retrouve dans l’agenda de Jacques de Tournemire [conseiller médicament et industrie pharmaceutique de Jean-François Mattéi, ministre de la Santé de 2002 à 2004, ndlr] un rendez-vous avec vous seule en octobre 2002, quel en était l’objet ? », demande le ministère public. « Je n’en ai aucun souvenir. » Elle botte en touche sur ses relations avec Philippe Douste-Blazy, ministre de la Santé entre 2004 et 2005 : « Vous êtes son contact sur une liste de personnalités importantes dans le domaine des déremboursements », lui fait-on remarquer. « C’était au cas où il fallait informer de la vie de l’entreprise », répond-elle.

 

Anne-Sophie Stamane

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